lundi 31 décembre 2007

Une Année 2007 riche en réflexions

Une année s'en va, une autre commence, on ne peut que sacrifier sa pensée au rythme des bilans et perspectives pour l'année qui vient. Sur un plan personnel, l'ouverture de ce blog m'a donné le moyen le plus simple pour exposer mes réflexions autrefois cantonnées dans les forums de sites bleus (orange maintenant) ou rouges... Il a permis de rendre compte des débats agitant le microcosme de la "musique libre", de les faire émerger un peu en dehors de ses terrains de jeu habituels. Enfin cette année est une année importante, à mon sens. Importante car dans sa dimension électorale, elle a permis des prises de positions, des éclaircissements politiques (au sens grec du terme, la "gestion de la cité"). De nouvelles idées et avancées sont apparues, parfois en faveur de la "musique libre", parfois en rapport philosophique plus éloigné. Mais regardons de plus près.

En janvier 2007 j'écrivais dans un article sur le Midem 2007 (d'ailleurs, sa version 2008 devrait arriver sous peu) que l'avenir des solutions commerciales en lignes allait être à la gratuité et au "watermarking" grâce au format DDEX. Ce "watermarking" va exclure un peu plus les indépendants de ces solutions pour plusieurs raisons. D'une part, le coût de la licence, 200$ par an, qui en exclu les petites structures associatives de labels (les plus nombreuses) aux budgets annuels très limités, d'autre part elle ne solutionne en rien l'interopérabilité.

16 Is this a solution for consumer audio interoperability?

No. DDEX is developing communication standards only. Interoperability at a consumer level, whilst of interest to member companies, is a matter for other standard setting organisations to consider.

Extrait de la FAQ du site DDEX.

En gros on va avoir avoir droit à un système d'identification de masse pour permettre d'arrêter les resquilleurs et les méchants "pirates-pédophiles-terroristes-voleurs" (liste non exhaustive et en constante évolution). Une logique qui prend toute son ampleur avec les quelques recherches que j'ai effectuées en mai de la même année dans un article intitulé "Identification de masse". Ou tout simplement avec le récent rapport Olivennes commandé par notre gouvernement. L'abandon progressif des mesures coercitives de protection (les fameux "DRM") masque en fait une autre réalité. Le système est toujours jugé viable (l'offre Neuf-Music avec DRM et abonnement à téléchargement illimité), mais pour "faire bien" on en abandonne progressivement l'usage. En fait on renoue avec des techniques marketing de base, la confiance du consommateur et on parie sur l'avenir en se disant que la plupart des baladeurs vendus actuellement sur le marché sont désormais tous compatibles avec ces fameux DRM en voie de disparition. Ironique vous ne trouvez pas ? Cynique je dirai. Car les chiffres de baisse du marché du disque masquent une autre réalité, celle d'un marché en expansion de 2.19% par an (merci Mr Astor), une autre réalité, celle du terrain maintenant qui nous dit que les rayonnages "disques" ont drastiquement baissés en métrage carré ces derniers temps (depuis 2005). Le monde musical serait-il un monde à part ?

D'un autre côté, outre ces considérations (boursières) de multinationales et d'inconscient collectif (le vilain pirate de l'internet fait aussi peur aux grands mères que le jeûûne (pour faire lyonnais) des banlieues ou que le révolutionnaire de gauche, on rejoint dans ces objectifs ceux des producteurs de "tubes"), les initiatives artistiques de quelques uns montrent que d'autres voies sont expérimentées et sont possibles, par contre, je ne sais pas si elles seront viables sur du long terme. Ainsi Radiohead, Nine Inch Nails, Barbara Hendrickx, Mano Solo sont parmi les exemples les plus emblématiques de ces changements. Entre le "payez ce que vous voulez", le "piratez, je vous encourage", le "prix fixe pour encourager la démarche" ou le "achetez maintenant un album que vous aidez à produire" les démarches sont multiples mais font sens. On est plus dans "la culture qui vient d'en haut" mais un peu plus dans les cultures par tous. Un semblant de participation du public pour qu'il puisse mieux s'approprier les œuvres ainsi produites.

Mais ces initiatives ont leurs limites et les requins savent retourner leurs vestes pour mieux se servir. La "visibilité" est un de leur moyen pour acquérir des œuvres gratuitement et se passer de droits d'auteurs (une rétribution souvent symbolique mais qui donne une valeur à une œuvre, notre société n'est-elle pas basée sur la valeur et la propriété ?). Alors pour se passer de rétribution, les requins pensent à différents moyens de "donner de la valeur" aux œuvres. De la courbe boursière qui en singe les comportements aux présences, non rémunérées, dans des spots publicitaires, le marketeur saura appâter l'artiste en lui promettant visibilité et 50 vierges au paradis (lesquelles se transformeront en cierges partis en fumée sitôt arrivé là-haut).

Quand la liberté devient ouverture, quand elle se doit de s'ouvrir aux autres structures plus grosses (labels associatifs importants ou distributeurs "indépendants") ou quand tout simplement les initiatives grandissent (les labels en cc, les festivals...) on a là quelques clés pour prédire "l'avenir". Les discussions entre Sacem et initiatives ouvertes vont se poursuivre, et les rencontres entre professionnels associatifs donneront des discussions, des débats, des initiatives de haut vol. Tout ce que font, par exemple, le label montpeliérain "Les Cristaux Liquident" avec le festival Diffuz ou les initiatives menées par Jarring Effects (encore à la Sacem pour combien de temps encore ?) sont à suivre de près.

L'année 2008 s'annonce intéressante à suivre et ce blog en sera un des nombreux miroirs virtuels.

samedi 15 décembre 2007

"On veut décourager les pirates"

Dans mon métier d'animateur je suis souvent confronté à la transgression d'un enfant par rapport à une règle établie au départ par un adulte (ne pas courir dans les couloirs, ne pas crier...). L'adulte met en place ces règles pour que tout le monde puisse vivre ensemble dans un cadre précis (école, colonie de vacance...). L'enfant peut aussi de lui-même créer ses propres règles notamment quand il détourne les règles d'un jeu et se les approprie pour en trouver des variantes (loup, loup perché, loup chatouilleur, loup glacé...).

Dans plusieurs interview, Mr Olivennes ne semble pas savoir ce qu'est une loi. En même temps il existe plusieurs façons de la concevoir. Le site Wikipedia nous en donne quelques détails :

Logique traditionnelle française

Depuis la Révolution, et notamment depuis la théorie de la volonté générale exprimée par la loi de Rousseau, la conception classique française est de dire que la loi se doit de dire ce qui doit être. Il s'agit donc d'un idéal à atteindre, qui n'en est pas moins diminué du fait qu'on puisse l'appliquer ou non.

Logique libérale

Selon la logique libérale, la loi ne se doit que de reconnaître les faits.


Ainsi deux types de conceptions semblent se croiser. La loi comme expression de la volonté générale et qui aspire donc à un idéal à atteindre, et la loi comme reconnaissance des faits. Et dans les récents débats sur le piratage, on se rend compte que Mr Olivennes est dans la pure tradition française de la loi, son idéal à atteindre est de décourager les pirates (= se faire de l'argent et en faire profiter ses actionnaires). Le décalage de discours entre les partisans des échanges sur internet (dont fait partie le site Ratiatum) et les défenseurs d'une vision rigide des droits est ici important. Sur Ratiatum on verra allègrement des articles s'exprimant pour une légalisation des usages. La loi devient une reconnaissance des faits, elle ne poursuit pas de but idéal, sauf celui de laisser en paix les téléchargeurs, elle sortirait de son cadre général.
Et pour corser le tout, les ratiatumiens (comme on pourrai les appeler) crient haut et fort que la loi votée (la dadvsi) n'est que l'expression de la volonté d'une minorité (et ils ont raison), mais cet argument est totalement inaudible car il est l'exact inverse de ce qu'ils proposent. On est je pense dans un mauvais calcul de stratégie et de discours politique. Et le partage de connaissances, l'ouverture d'esprit, "la culture pour tous" (entre guillemets car c'est une citation d'André Malraux), pourquoi ces valeurs ont été balayées comme un revers de main par crainte maladive d'être "récupéré" par un mouvement politique ? Pourquoi cette frilosité à l'égard d'un engagement politique ? La prise de position, la volonté de construire un monde meilleur avec des valeurs de partage, de découvertes, pourquoi ces choses là font peur ?

J'ai l'impression que dans les débats sur la Dadvsi et maintenant sur les inapplicables futures lois/décrets Olivennes on a manqué de maturité, de stratégie politique, et qu'en face, ils se sont gavés de nous voir aussi amorphes, sans réactions, sans projets.

Dans cet article je prends comme exemple le site Ratiatum, évidemment ceci n'est qu'un exemple mais je pense qu'il est assez représentatif de ce que je veux démontrer. Les visites de Laurent Petitgirard (Président du CA de la Sacem), de Mano Solo sur les forums de ce site ont été mal accueillies, pas par manque d'arguments (beaucoup de trolls surtout), mais surtout parce que le discours étaient pas assez construit. Et d'ailleurs dans les critiques de P.Nègre sur la communauté des p2p, il crucifie volontiers le "je veux tout, tout de suite gratuit", car c'est le seul discours qu'il a entendu (et dont l'absurdité sert son argumentation).

Parfois me semble-t-il, il conviendrait de mieux faire confiance en nos politiques et en ceux qui les mettent en pratique plutôt que de crucifier une minorité mise au pilori représentant (c'est un comble pour un député) la majorité d'entre eux.


On va finir ce billet par quelque chose de constructif. Parce que bon, la Sacem et le bizbi avec les les p2pistes, nous créateurs sous licences ouvertes, on s'en fout un peu à la fin, on est pas forcément concernés. Par contre en tant que militant pour une gestion individuelle des droits d'auteurs la proposition du rapport Olivennes de créer un catalogue de 10000 titres surlesquels seront basées les investigations est intéressante. Bonne nouvelle ! Les jamendo ou autres sites de musique libre qui acceptent sans le dire (ou en éludant la question en la traitant qu'avec des bénévoles, donc textuellement, des gens gentils de bonne volonté) de la musique d'artistes Sacem pourront enfin faire les contrôles nécessaires ! Chouettes on sera un peu plus rassurés alors... On sera fliqués mais au moins on sera certains qu'en téléchargeant le dernier album d'ADC GdeGueule il ne sera pas à la Sacem.

Dites, vous ne croyez pas qu'il manque quelque chose là ?