Premier chapitre d'une réflexion déjà engagée sur le texte "Les cultures par tous".
Nous donnions à la Culture, dans sa dimension "bien commun (donc) financé par l'État", trois types de publics. Nous allons commencer par ce que j'appelle "les publics en interface directe avec la Culture".
Ils représentent les acteurs directs de la Culture subventionnée, ceux qui la font vivre. Nous les considérons comme des publics car ils en sont, et par nécessité professionnelle, se montrent les premiers intéressés aux évolutions de leurs métiers. De métiers très différents, cela va du menuisier au personnel d'accueil, au gardien municipal ainsi qu'aux personnes travaillant "dans les bureaux", aux animateurs de quartier... toutes les personnes qui font vivre les activités culturelles. Entendons-nous bien, nous décrivons un corps de métiers qui a "intérêt" à garder le financement public de la culture, mais on ne peut pas parler parler à mon sens de "corporatisme" dans les métiers culturels. Leurs diversités, autant dans leurs métiers que dans les formes, les directions artistiques, les points de vues forment des multitudes d'intérêts croisés parfois en rapport étroit avec les institutions, parfois en distanciation volontaire (et faisant même partie de manière schizophrène de leur identité) mais aussi en lien avec des politiques culturelles locales, des courants politiques. En somme, les représentations politiques semblent tellement multiples qu'elles ne peuvent autoriser un mouvement global et collectif de défense de la politique culturelle publique. Le cas du mouvement des intermittents est intéressant de ce point de vue. Nombre d'intermittents se sont mobilisés, ont manifesté, rencontré les ministères, les cabinets des ministres respectifs, mais les soutiens de la part des autres corps de métiers ont été étonnamment muets voire inaudibles (les directeurs de théâtres qui abusaient du système des intermittents et qui montraient "patte (ou pétition) blanche" pour les soutenir). En ça, le milieu de la Culture ne peut être considéré comme un milieu homogène et nous pourrions même aller jusqu'à dire qu'il ne veut pas s'en donner l'image par peur d'une dérive corporatiste.
En relation parfois directe, parfois plus distanciée, les publics des structures se sentent aussi concernés par la politique culturelle. Non pas qu'ils influent directement dans leurs métiers, leurs vies, mais ils restent, par appropriation culturelle (des cours de théâtre, de danse étant jeune ou adulte, des ateliers, une éducation, une bonne expérience scolaire...), concernés par le financement public de la Culture. C'est parfois une position plus politique car très souvent les revendications sont celles d'une non-commercialisation de la Culture, d'une volonté de laisser aux créateurs toutes libertés de créer (nous verrons que la réalité est plus complexe, et que consciemment ou inconsciemment les créateurs se donnent des contraintes, des objectifs...). Parfois la défense d'une Culture est aussi une conviction esthétisante que telle ou telle forme d'expression est nécessaire voire fondamentale dans notre société et qu'elle se doit donc d'être soutenue, aidée.
La Culture se vit donc en relation étroite avec ceux qui se sentent concernés par elle. Elle s'en nourrit mais malheureusement elle se montre parfois trop exclusive dans ses relations avec "son" public. Parfois elle ne trouve pas les moyens d'étendre son influence au-delà de ses publics proches. Très souvent la conception même de culture est limitée à une culture contemplative qui ne peut être appréciée que par des personnes déjà initiées aux formes artistiques et ne peut donc être "accessible" au plus grand nombre. Dans les publics de la Culture, nous trouverons donc des personnes pour qui la Culture est importante, dans son existence, mais qui ne se retrouveront pas dans les formes artistiques les plus originales, non par dégoût primaire pour la nouveauté, mais par incompréhension (souvent par manque de travail initiatique). Des personnes pour qui la Culture est fondamentale mais qui ne peuvent en estimer toutes les facettes, et donc par extension l'ampleur des besoins des structures culturelles qui participent aux créations. Un "public proche" dirons-nous, occasionnel diront ceux qui placent la fréquentation des spectacles (en salle ou en extérieur) en premier dans leur réflexion.
Et il existe une troisième catégorie, celle des personnes qui ne sont plus en interface avec cette Culture. Cette population qui ne va pas au théâtre, cette population qui ne sort pas le week-end, hormis pour aller voir le dernier film sorti au multiplexe du coin, pour aller faire les courses ou pour aller voir un match de football... Pour cette population qui parfois se confond avec un public occasionnel mais qui ne comprend pas les finalités de la Culture, les pouvoirs publics ne sont pas les garants de la Culture, ils sont les protecteurs d'une Culture, celle de l'État et ils protègent un corps social particulier, celui de la Culture. C'est à mon sens très important de souligner cela. La Culture n'est pas vue de la même manière selon le rapport que l'on entretient avec elle, si on en "profite", si on en vit, si on la trouve essentielle ou si on la définit comme une forme d'ostracisme des catégories sociales dans la société.
La Culture, telle qu'elle est aujourd'hui gérée, peut se diviser en deux grande parties : la création culturelle (et toutes les structures qui la permettent) et le patrimoine culturel commun (celui qui est enseigné et qui fut un emblème de la nation, celui que l'on visite...). Philippe Aigrain, dans son livre "Cause Commune", aux Éditions Fayard, publié en 2005, fait une distinction essentielle à mes yeux. Il existe des biens communs qui se doivent de requérir toute l'attention des pouvoirs publics et des biens privés qui s'étendent et veulent "privatiser" les biens publics. Et là est à mon sens, tout le nœud du problème quand on parle de Culture. La Culture a un passé... mais lequel ? Et surtout celui de qui ? Quelle Culture peut se permettre d'oublier son passé ? Mais surtout qui en devient l'emblème, qui en est le créateur, qui en est le gestionnaire ? À travers ces textes j'essaierai de démontrer que la Culture ne peut subsister si elle ne prend pas en compte les différentes approches de son existence. La Culture est une Culture des pouvoirs publics, les "cultures" seraient les cultures dont tout le monde se sent proche et qui en fait nous caractérise car elle nous construit socialement et psychologiquement.
Suite au prochain billet (peut-être... ça dépendra de l'actualité ! :) ).
1 commentaire:
wow il capte automatiquement mon compte google, c'est beau la technologie :)
Article très intéressant
Aucune culture ne peux ne se permettre d'oublier son passé, mais j'irais plus loin en disant qu'aucune culture ne pourrait vraiment oublier son passé. La culture passée est entrée dans nos réflexes, comme par exemple l'anticipation que l'on a d'une suite d'accords de Blues. Même dans ce cas je considère qu'il est important de faire des efforts pour ne pas l'oublier, ne nous reposons pas.
LaSp
Enregistrer un commentaire