dimanche 17 février 2008

Droits voisins et droits d'auteurs.

En ces temps de débats naissants sur l'extension de la durée des droits voisins je voudrais vous donner quelques pistes pour mieux cerner le débat.

Le droit d'auteur.
Historiquement le droit d'auteur est né de la volonté d'auteurs de se voir rétribué quand leurs œuvres étaient jouées, divulguées auprès d'un public lors de représentations. Cela date de Beaumarchais et quelques autres de ses amis qui ont à leur époque demandé que la loi leur soit favorable sur ce point en ayant constaté les représentations de leurs pièces sans qu'ils en soient informés ni même rémunérés au titre de leur œuvre. Le droit d'auteur s'est ensuite étendu à toutes les formes de diffusion d'œuvres culturelles (musiques, cinéma, livres) mais en ayant des structures différentes ce qui fait dans la pratique des droits différents selon le type d'œuvres diffusées. Un auteur de livre, par exemple, secteur très prolifique aujourd'hui, ne peut demander d'être rémunéré pour toute citation de son livre dans une chronique, sur un site, une affiche, un lieu public.
Alors qu'un auteur, compositeur, lui a bien entendu une société de gestion de droit qui en demande des redevances pour toute utilisation même dans un cadre restreint (un petit bar avec un espace de 40m² doit payer une redevance à la Sacem pour diffuser de la musique, voire dans certains cas, même s'il ne diffuse rien ou ne diffuse rien du répertoire Sacem mais que ce bar dispose d'un dispositif de diffusion de musiques (type radio-k7)). Même chose pour un auteur de films (qui est une œuvre de collaboration (merci Bruno dans les commentaires) rassemblant beaucoup d'acteurs (scénaristes, metteur en scène, acteurs, costumiers, décorateurs, éclairagistes...) qui devraient potentiellement avoir droit à des droits d'auteurs sur leurs œuvres.

Le droit d'auteur est un droit divisé en deux parties distinctes dans le Code de la Propriété Intellectuelle, le droit moral (incessible, inaliénable et perpétuel) pour lequel un auteur ne peut demander de rétributions et le droit patrimonial, celui évoqué plus haut qui concerne toutes les utilisations des œuvres à caractère commercial (édition, production, diffusion...). Le droit d'auteur côté patrimonial est "limité" à 70 ans après la mort de l'auteur. Après cette période les œuvres "tombent" dans le domaine public où elles rejoignent Victor Hugo, Mozart, Bach dans le patrimoine culturel commun. Chacun peut copier, distribuer, imprimer éditer les œuvres du domaine public sans restrictions à part citer le nom de l'auteur.

Le droit voisin.

Le droit voisin dans sa forme actuelle est né en 1985 grâce à la loi Lang. Il concerne les droits des interprètes et celui des producteurs et éditeurs. Sur le même modèle que celui des droits d'auteurs patrimoniaux, un interprète peut demander des rémunérations pour toute diffusion d'œuvres qu'il a interprété. Même chose pour toutes les productions et éditions après 1985 (la loi n'étant pas rétroactive). Ce droit est limité à 50 ans après la première fixation de l'œuvre. Grosse différence avec le droit d'auteur pour lequel il faut attendre 70 ans après la mort d'un auteur pour que ses œuvres "tombent" dans le domaine public.


Ce sont ces questions qui sont aujourd'hui débattues.
Une proposition d'un député européen vise à étendre la durée des droits voisins à 95 ans après la première fixation des œuvres, repoussant ainsi leur entrée dans le domaine public. Philippe Aigrain, dont son livre "Cause Commune", après avoir été édité aux Éditions Fayard est disponible en Creative Commons en .pdf sur son site officiel, a écrit un article très intéressant sur ce sujet. Je vous y renvois car il montre bien les enjeux de ce type de modifications (avec en ligne de mire une extension de la durée pour les droits d'auteurs). Je vous renverrai aussi sur un autre article de Florent Latrive, journaliste à Libération, auteur de "Du bon usage de la piraterie", disponible aussi en Creative Commons après avoir été édité par les Éditions La Découverte (et réédité en version "poche", preuve du succès de la démarche).

Bonnes lectures !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu auras peut-être croisé l'article que j'ai publié hier: «Une petite rallonge de peine, peut-être?» Il n'est pas aussi bon que celui de Florent Latrive, mais ça pourrait éventuellement intéresser l'un ou l'autre de tes lecteurs.

Une précision sur les droits voisins: ils ont été transposés en droit français en 1985 par la loi Lang, mais leur naissance remonte à 1961 avec la Convention internationale de Rome.

Source: CEPV — droits d'auteur et droits voisins.

Unknown a dit…

vous faites une erreur, un film n'est pas une oeuvre collective mais une oeuvre de collaboration...

Unknown a dit…

Merci, je vais corriger cette erreur.

Anonyme a dit…

tres interessant, merci