À première vue cela semble bizarre.
Jamendo propose une licence d'exploitation de son catalogue pour les lieux accueillant du public (bars, commerces...). Cette licence est payante et propose un tarif avantageux par rapport aux sociétés de gestion de droit classique.
La société Jamendo se réserve 50% des bénéfices dûs aux licences d'exploitation, le reste revenant aux "artistes". La Sacem applique, elle, des tarifs plus élevés dans ses forfaits mais ne prend "que" 15 à 20% de frais de gestion sur ces droits. La réponse de Sylvain Zimmer (co-fondateur de Jamendo) à ce sujet est éclairante :
Très brièvement, une réponse sur la répartition 50/50 que nous proposons :
on ne peut pas la comparer au taux de la sacem, parce que nous prenons en charge beaucoup plus de choses qu'eux :
- hébergement
- diffusion de la musique
- création de la programmation des radios pro
- surtout: promotion active de l'offre (on agit en tant que commerciaux pour les artistes, qui ne toucheront pas grand chose si on se bouge pas)
- envoi de supports physiques si besoin pour les clients de l'offre pro
- facturation
- support
etc...
Si on regarde de plus près les missions de Jamendo sur ce point, ce sont typiquement des missions d'un éditeur de musique (programmation, promotion de l'offre, édition de supports...) qui empiète sur les missions de la maison de disque (hébergement, diffusion).
La Sacem prend en charge les droits de trois ayant-droits, l'auteur, le compositeur et l'éditeur, l'éditeur ayant 50% des droits. La répartition de l'entreprise Jamendo prend donc cette place de l'éditeur dans le reversement des droits.
On passe sur le côté juridico-pratique du contrat luxembourgeois (en langue anglaise) proposé (et sur son applicabilité en France)... parce que c'est un peu compliqué le droit sur internet.
Par contre l'argumentation de monsieur L.Kratz (Co-fondateur de Jamendo et CEO) dans les commentaires de cet article a de quoi surprendre :
Je veux juste apporter quelques précisions sur "alternative à la SACEM":
Une société de collecte comme la SACEM, SABAM, SUISA, GEMA... ne fait pas de stockage et de distribution numérique, ne doit pas développer une plateforme web de distribution/promotion de musique digitale, elle ne paye pas les serveurs et la bande passante pour distribuer bientôt 200.000 titres à près de 3 millions de visiteurs par mois, elle n’a pas de ligne éditoriale, ne fait pas de programmation de radio thématique, n’as plus à faire sa propre promotion, son marketing.
Concernant les 50%, ce ratio est donc à comparer avec d’autres acteurs qui font toute la chaine (beatpick, magnatune, youlicence).
Et surtout, il y a une différence fondamentale, entre gestion collective et gestion individuelle.
Jamendo n’exige pas de relation exclusive avec les créateurs. L’artiste peut se désinscrire d’un simple clic. L’artiste, pour chacune de ses chansons, peut choisir d’adhérer ou pas aux différents programmes de notre service.
C’est évidement plus simple de présenter Jamendo comme une alternative aux sociétés de collectes (et c’est normal) mais nous sommes pas une société de collecte. Nous sommes une plateforme de gestion individuelle de droits, de promotion et de distribution numérique basée sur l’innovation des licences Creative Commons.
Evidement, c’est un peu compliqué comme phrase à mettre dans un titre
L’important pour Jamendo à court terme, c’est de vérifier l’intérêt pour ce genre d’offre chez les utilisateurs de musique en lieu public, et l’intérêt de créateurs auto-produits non inscrits dans des sociétés de collecte pour adhérer à ce genre de programme.
Donc la société Jamendo reverse des droits d'auteurs pour ses "artistes" en en faisant la répartition (terme jamais défini dans le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), en passant). Ceci est bien le rôle d'une société de collecte puisqu'elle perçoit et redistribue des droits (ce n'est pas de la gestion puisqu'il y a flux financier entre le commerce, Jamendo et les "artistes"). Quid des rôles de l'auteur, du compositeur, de l'interprête, de l'éditeur, du producteur... ? Nada.
Et surtout ces articles du CPI éclairent beaucoup plus sur les possibilités offertes à toute société privée pour reverser des droits :
Art. L. 321-1. Les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes sont constituées sous forme de sociétés civiles.Je passe sur le reste, c'est suffisamment parlant je crois... En conclusion, je répondrai à la question de l'article, "La Sacem a-t-elle du soucis à se faire ?"
Les associés doivent être des auteurs, des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, des éditeurs, ou leurs ayants droit.Art. L. 321-3. Les projets de statuts et de règlements généraux des sociétés de perception et de répartition des droits sont adressés au ministre chargé de la culture.
(...)
Non pas du tout. D'autant plus quand des sociétés privées se foutent royalement du droit des auteurs pour se remplir les poches à leur détriment (faire du business avec de la matière première gratuite, c'est le rêve de beaucoup de monde, et le Web 2.0 révolutionnaire-qui-ringardise-la-vieille-économie le réalise très bien).
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