lundi 6 octobre 2008

Une révolution dans le droit d'auteur ?

Petit article pour aller dans le sens des alternatives réelles à la Sacem et aux sociétés d'auteurs.

En quoi ces initiatives peuvent-elles être vues comme une véritable révolution du droit d'auteur ? Quel est le but politique, philosophique de ces démarches ?

Petit tour d'horizon des initiatives franco-françaises (je verrai dans un autre article les initiatives européennes puis les américaines).
Les cultures libres (NDR : Fidèle à mon habitude, je parle des "cultures libres" et non de "culture libre" au singulier) sont avant-tout nées sur internet mais la démarche est beaucoup plus large. Pour mieux les comprendre il suffit de se renseigner sur tous les mouvements de culture et d'éducation à la culture participative, notamment le mouvement de l'Éducation Populaire (1936) avec Léo Lagrange, les MJC, ATTAC... Phillipe Meirieu le résume très bien : "voir ensemble, comprendre ensemble, faire ensemble". Et avant toute chose, pour voir, comprendre et faire il faut que les cultures soient accessibles, qu'elles fassent partie d'un bien commun à l'ensemble de la société. C'est un peu cette dernière partie, ce maillon qui manquait autrefois au mouvement de l'Éducation Populaire, le bien commun.
Le mouvement des cultures libres est donc une étape en plus en vue de l'accessibilité aux cultures des populations.

Petite interstice sur le public rencontré sur internet.
45% de la population française connectée (différent des nombreux chiffres qui ne prennent en compte que les foyers connectés), représente les parties de la population les plus avantagées, 90% des usages sont tournés vers la consultation de sites et les mails.
Quand on parle d'accessibilité, on se doit d'avoir ces chiffres là en tête. On parle in fine plus de démarche, des moyens pour y arriver que de réalité. Le mouvement n'en est qu'à ses balbutiements.

Prenons un cas d'école, un festival pluri-artistique, organisé sur 1 semaine, Artischaud à Lyon qui s'est déroulé du 22 au 27 septembre 2008 dernier.
Par honnêteté intellectuelle je rappelle à mes lecteurs que cet exemple est très proche, moi-même faisant partie de l'organisation du festival (Responsable des conférences).
Au menu du festival, conférences (;)), débats, projections, concerts, exposition, théâtre. La dimension pluri-artistique s'exprime ainsi dans toute sa force et nous avons pu rencontrer nombre d'acteurs majeurs des cultures libres et parmi eux des membres éminents (Dana Hilliot, Éric Aouanès par exemple) et bien d'autres utilisateurs au quotidien de licences ouvertes, souvent inconnus des sites de diffusions (Trio Led Crush, CC'le feu, Taenia Solium...) aux projets artistiques particuliers et originaux.

Un petit focus sur ces exemples cités.

La compagnie CC'le feu par exemple, est une compagnie de théâtre de rue, qui fait appel à la pyrotechnie, au cirque, au clown dans ses spectacles. Très éloigné d'internet tout cela, mais les médias qu'ils diffusent sur internet, dvd, images, musiques sont tous en licences ouvertes. Et... ils tournent ! En témoigne leurs dates sur leur site officiel.
Le Trio Led Crush, toujours aussi éloigné de Dogmazic et cie, est un spectacle de théâtre, humour, musique détonnant (salle comble à la MJC Vieux Lyon), primé sur plusieurs festivals d'humour. Leur spectacle a été capté et diffusé sur leur site officiel en licence ouverte ou par le biais de formats libres sur itheora.
Taenia Solium, un collectif, présent sur Dogmazic.net, mais qui a pu distribuer gratuitement des compilations faites à la main, cartonnées avec livret de leurs activités artistiques. des as de la sérigraphie trop méconnus et une forme d'artisanat que je croyais disparue (avec internet et sa distribution numérique) dans les limbes des vieux souvenirs de punks imbibés.

Où sont les "révolutions pour la droit d'auteur" là dedans ?

Sous ce titre un peu pompeux (qui en reprend un autre d'un article de Philaxel, merci pour l'idée), se cache en fait plusieurs idées.

D'une part une réorganisation des indépendants qui se scindent de plus en plus entre des personnes qui souhaitent vivre de leurs œuvres et qui, pour le moment, restent à la Sacem mais qui sont très attentifs aux musiques libres et à leur développement, et d'un autre côté les initiatives libres qui rejoignent petit à petit les "indépendants" plus gros. Quand je parle d'indépendants, il est important de définir clairement ce terme. Je ne parle pas de Wagram, Naïve ou autres qui ont une taille importante (+ de 100 personnes pour Wagram) et dont le business model et les intérêts sont très souvent les mêmes que celui des majors (et d'ailleurs les passerelles sont importantes entre eux), mais plutôt de labels plus petits (CF : Jarring Effects, Hadra...) dont les seules attaches aux médias dominants sont la Sacem et le distributeur (souvent Pias ou LaBaleine).
Indépendant vis-à-vis de quoi au fait ?
Indépendant par rapport aux choix artistiques ? Par rapport aux systèmes de diffusions ? Aux systèmes de distributions ? Ce sont ces questions auxquelles il est important de se référer quand on parle d'indépendance et pas aux communications diverses et variées qui font de l'indépendance une stigmate marketing.

D'autre part, un recentrage sur l'auteur et une revalorisation de son travail par les autorisations qu'il donne à ses auditeurs et aux autres musiciens. Il est important de rappeler que les licences ouvertes permettent non seulement le partage pour les auditeurs, mais définissent aussi des conditions d'exploitation des œuvres (ce que très souvent on oublie). Les licences ouvertes ne sont pas des contrats de cession de droit mais des autorisations données par l'auteur sur ses œuvres, aussi il est très important de savoir choisir sa licence selon le projet artistique et sa démarche en tant qu'auteur.

Lors d'une conférence sur Artischaud, Dana Hilliot parlait de considérations éthiques ou utilitaristes, sans les opposer telles quelles (en disant qu'on ne peut être totalement éthique ou totalement utilitariste) mais en questionnant sur le fait que beaucoup de démarches d'auteurs ne se placent pas sur les mêmes fondements de valeurs. Un peu comme la liberté qui est vue selon sa propre histoire, ses idées politiques, ou sa démarche, les licences ouvertes souffrent de cet individualisme qui fait partir les initiatives dans tous les sens au grès des idées et des opinions de chacun. Où est le bien commun là dedans si personne n'arrive à se mettre d'accord sur le but à atteindre ? (l'argent ou le "libre" ?)
C'est pourquoi je suis très attentif à ce mouvement en construction récurrente, mélange d'une démarche historique ancrée dans les pratiques les plus élémentaires des cultures (au sens anthropologique) et de technologies de pointe qui en montrent toutes les potentialités.

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