mercredi 16 avril 2008

La LCEN remise en cause ?

Titre qui évoquera plein de choses aux initiés, un vide pour d'autres.

Alors expliquons.

Qu'est-ce que la LCEN ?

Tout ce sigle désigne la Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique votée en juin 2004 qui transpose en droit français une directive européenne de 2000. Cette loi cadre les limites entre usages privés et usages publics sur internet, la responsabilité des hébergeurs, les publicités (ou spam dans leurs version aggressive), le commerce électronique, les usages de la presse en ligne...
La correspondance des mails par exemple a été longuement débattue sur leur nature, privée, publique ? Et d'ailleurs cette question est toujours en suspend et dépend de "l'autorité juridictionnelle compétente [qui se] prononcera sur sa qualification". Mais ce n'est pas ce point précis que je voulais aborder.

Les sites et la LCEN

Dans les mouvements internet de sites d'hébergement de morceaux de musiques vous pouvez voir plusieurs positions. Ceux qui en font clairement du commerce en signant des accords de vente avec les maisons de disques (itunes, fnac...), ceux qui proposent des contenus accessibles gratuitement contre des espaces publicitaires (deezer, jiwafm, jamendo...), certains travaillant en payant des droits sacem (deezer, jiwafm) d'autres (jamendo, bnflower), pour s'économiser ce coût (8% des recettes publicitaires), proposent de la musique libre (exempte de droits d'auteurs... a priori) pour vendre leur espace publicitaire. Et enfin les initiatives associatives qui n'ont pas pour but de créer une économie, mais plutôt de proposer gratuitement des archives, des démarches, de l'information, des projets à des artistes qui souhaitent pérenniser ces démarches (boxson, dogmazic, laciterne...).
On le voit bien ici. D'un côté les sites commerciaux d'entreprises qui se basent sur un modèle économique ancien (la vente au détail de musique), d'un autre côté les sites qui proposent des diffusions gratuites sur le modèle des radios fm, des sites qui hébergent des contenus présentés comme "libres" mais flous dans la réalité (appartenant à des sociétés de gestion de droit, donc soumises à paiement pour droit d'auteur), et des sites qui se veulent conformes au droit d'auteur et à sa législation pour créer une alternative aux diffusions classiques.

Quel lien avec la LCEN ?

Il est assez récent puisque notre chère ministre de la communication et de la culture souhaite avec le CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Intellectuelle et Artistique) remettre en cause certains aspects de la loi, notamment la responsabilité des hébergeurs suites aux affaires "Lafesse-Omar Et Fred/Dailymotion". La responsabilité de l'hébergeur, donnée par la LCEN cadre un principe suivant : l'hébergeur a l'obligation de supprimer dans les plus bref délais tout contenu qui lui sera signalé illégal.
Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.
(citation de la loi)
Voilà que l'on apprend aujourd'hui même qu'une remise en cause de ce principe serait en réflexion :
CSPLA : le texte de la LCEN bientôt revu ?

Par ailleurs, n’oublions pas que de très fortes pressions sont actuellement exercées par les propriétaires de contenus pour revoir le régime de la LCEN. On ne citera pas seulement les affaires Fuzz & Co. mais surtout que Mme Albanel souhaite responsabiliser les FAI et les hébergeurs sur le contenu qui transite entre leurs mains. Elle a chargé le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique de réfléchir à cette question. La mission a été confiée à Pierre Sirinelli, un éminent juriste qui a déjà œuvré dans des rapports du SNEP, et qui est également président de l'AFPIDA (association pour la protection internationale du droit d'auteur) et vice-président de l'ALAI (association littéraire et artistique internationale). Celui-ci déclarait ainsi qu’« il semble bien que, désormais, nombre d’intermédiaires ne puissent plus tenter de se réfugier derrière le statut confortable mis en place par la loi pour la confiance dans l’économie numérique ».
Dans ce cas, quels sont ceux qui doivent avoir "peur" de la remise en cause de la loi ?

Certainement pas ceux qui paient, cher, leurs accords avec les sociétés de gestion de droit ou les majors, certainement aussi pas ceux qui refusent toutes les œuvres soumises à ces droits (et qui en font la chasse), mais plutôt ceux qui sont dans un entre-deux dangereux entre "on profite de la LCEN" (puisqu'on attend que les sociétés de gestion de droit nous donnent les listes de leurs sociétéaires) et "notre catalogue est 100% libre de droits (d'auteurs)". Bref, les dispositions législatives en cours et les rélfexions du gouvernement pourraient mettre à mal certaines initiatives qui se sont mises d'elles-même dans un flou juridique pour mieux en profiter, financièrement parlant. On le voit aussi ici, leur but n'est pas de créer une alternative (puisque par leur flou, beaucoup des œuvres hébergées sont potentiellement soumises aux droits Sacem, et donc aucune alternative à la Sacem n'est possible), mais de profiter d'un système avec ses failles pour développer une activité lucrative.

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